« Bonjour, il est 5h30 et vous écoutez Radio Plus, la radio qui vous en dit plus sur l’actualité ! ». Une voix suave et dynamique accompagnée d’un jingle strident à te vriller les tympans te sort brutalement d’un sommeil réparateur. Les yeux chassieux et la langue pâteuse, te voilà obligé d’émerger d’une douce nuit et d’attaquer une nouvelle journée. Du lundi au vendredi, cette violence répétée t’insupportait. Maudit radio-réveil ! Y avait-il moyen plus efficace pour renaître au monde et assumer son rôle de citoyen responsable et travailleur ?
Source : Thevintagologist.tumblr.com
Il est l’heure, monseigneur !
Nos ancêtres se réveillaient avec le lever du soleil, un réveil astronomique sans tambour ni trompette qui permettait de sortir des bras de Morphée progressivement et en silence. Dans les campagnes, le chant du coq faisait et fait toujours office de réveil-matin imposé. Dès que l’aube se pointe, le roi de la basse-cour dégoise, les ergots dans le fumier, son puissant cocorico de 60 décibels… qu’il n’hésite pas à pousser de manière aléatoire tout au long de la journée, noblesse oblige.
Dans l’Antiquité, les Asiatiques avaient inventé l’horloge à encens : en se consumant, l’encens brûlait un fil de soie qui laissait tomber des billes bien sonores dans un récipient métallique. Platon préférait l’eau et avait mis au point un réveil hydraulique constitué de bassines placées les unes sur les autres, qui se déversaient plus bas sur une dernière munie d’un sifflet.
Au Moyen-Âge, époque où le raffinement n’était pas la qualité la plus répandue, un réveil-matin ambulant passait dans les rues et au son du clairon, sortait de leur torpeur nocturne les pauvres ouailles qui devaient se rendre à la prière. Matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies, la journée d’un chrétien était rythmée par les heures canoniales, celles sonnées par la cloche de l’église. Laudes pour l’aurore et prime pour le lever du soleil, soit environ 6h du matin.
Le premier réveil-matin est créé en 1847, par un certain Antoine Rédier, ingénieur et horloger célèbre qui fera la prospérité de son village de Saint-Nicolas-d’Aliermont en Seine-Maritime. Son invention va révolutionner le monde qui travaille et se lève tôt, une invention qui coïncide parfaitement avec la révolution industrielle. La vie en usine réclamait de commencer et terminer son labeur à heures précises, le rythme du travail ne pouvant plus être ajusté sur la course du soleil.
Halte à la violence du réveil-matin !
Le radio-réveil arrive bien plus tard, mais son invention n’est pas datée précisément : dans les années 1920 par Benjamin Abrams, le fondateur d’Emerson Radio & Phonograph Corporation, en 1928 par l’horloger Bulova, ou dans les années 1940 par deux autres Américains, James F. Reynolds et Paul L. Schroth Sr. À ses débuts, le radio-réveil était une console en bois qui pesait la bagatelle de 10 kg.
Source : Shelfvintage/Dream Machine 1968
Il faut aller au pays du soleil levant pour que le radio-réveil devienne enfin un objet populaire. En 1968, année où Herbert Léonard chante Les Yeux de la nuit, Sony sort la Dream Machine, comme c’est taquin, un des tout premiers appareils digitaux domestiques. Produit jusqu’au début des années 2010, le radio-réveil est supplanté par le smartphone, cet appareil multifonctions dit intelligent… qui sait aussi t’envoyer des rappels pour aller au lit ! La machine dirige l’homme !
Exit le radio-réveil, sans regret ! Si, comme moi, tu as le sommeil léger, la première seconde de tintamarre suffisait à ouvrir l’œil, le bon, pas celui qui restait collé et te donnait droit à 5 minutes de sommeil additionnelles. Je poussais même le vice à vouloir être plus fort que la machine. Le défi consistait à se réveiller pile poil quelques secondes avant l’heure fatidique, avant que l’outil technologique de malheur n’éructe son injonction. Pas de sursaut traumatisant ! Et d’un œil torve, je filais une claque énergique sur le bouton. J’t’ai eu !
La décence et le respect auraient voulu que j’écoutasse l’émission d’informations, au moins pour savoir quel temps il faisait dehors et s’habiller de circonstance. Le bruit dès potron-minet m’insupporte, c’est une agression que je ne tolère pas et qui nuit à la mise en route de mon métabolisme matinal. J’ai opté pour un simulateur d’aube, une alternative bien sympa à l’alarme crispante du réveil traditionnel. Tu sors de ta nuit en douceur grâce à la seule action de la lumière. Le cycle du soleil est ainsi reproduit, ce qui permet de se réveiller sereinement, aux jolis sons de la nature. “Nature peut tout et fait tout” (Michel de Montaigne).